Cavaignac le Boucher*,
1er Dictateur “Républicain”
Juin 1848 – Juin 2018
La République Despotique
souffle ses 170 bougies...
(dans un silence coupable)
►
“Suffrage universel”
sous État de Siège !
(Banditisme)
Vs
Loi du
Nombre
(Démocratie)
►
Code DU
travail forcé
(Parasitisme)
Vs
Droit AU
Travail associé
(Socialisme)
Les Héros quarantuitards seront vengés et exhaussés :
Viendra le règne de la Pure Égalité,
mariée à la Sainte Liberté,
Ce qu’est le COMM-ANAR**.
* Général Louis Eugène Cavaignac, 1802-1857 (voyez sa biographie par Larousse – 1867).
** Le Communisme-Anarchisme, la Société Convenable : sans argent et sans armement.
Spartacus – ERM-TNP, Juin 2018 (modifié le 7 juillet)
contact@parti-masculin.org
À la Société de Mort née en 18351,
il fallait un Baptême de Sang : ce fut la
Saint Barthélémy ouvrière de Juin 18482 !
La révolution de février 1848 – du 22 au 24 février : 3 jours ! – n’instaura pas la IIème République3, mais bien la Ière République DESPOTIQUE4, dotée comme il se doit d’un Monarque “élu”5.
Veut-on connaître le fin mot de la “République” instaurée en 1848 ?
Le Gouvernement provisoire de Février 1848.
(De gauche à droite :
en haut : Garnier-Pagès, Marrast, Flocon, Crémieux, l’ouvrier Albert, Louis Blanc ;
en bas : Lamartine, Marie, Dupont de l’Eure, Ledru-Rollin, Arago.)
C’est Lamartine, – chef du gouvernement provisoire qui vola au peuple sa révolution (comme Lafayette en 1830 !) –, qui lâche le morceau. Nous sommes le jeudi 24 février 1848, Henri Guillemin raconte6 :
« Lamartine sait quel prestige le mot de “République” a sur les masses. Que l’on jette donc, sans attendre, à la foule, ces syllabes qui l’éblouissent ; proclamer la République, c’est, du coup, “désarmer le peuple du mot qui l’agite”.
La République, dira Lamartine, si paradoxal que cela puisse paraître aux myopes, c’est “la forme la plus conservatrice de la société” ; elle seule est “de force à se mesurer avec le communisme et le socialisme armés”. Dans la France de 1848, où les paysans l’emportent numériquement de beaucoup sur le prolétariat des villes, il est acquis d’avance que la majorité des suffrages ira aux doctrines modérées ; l’homme de la terre a horreur de ceux qu’on lui représente comme des “partageux”.
Autant les socialistes avaient de force sous une monarchie, autant la République se trouvera puissante contre les “rouges”, ayant sur eux l’avantage de représenter la nation. Les “rouges” en appelaient à la République ? La voici, et qui les fera taire. Ennemis du roi, ils passent au rang d’ennemis du peuple. »
Ennemis du peuple ! ennemis de LA société ! ennemis de la “République” ! C’est ainsi que l’on qualifiera les insurgés de Juin, que le Parti de l’Ordre provoqua à l’émeute en décrétant la fermeture des ateliers nationaux (caricature des ateliers sociaux préconisés par Louis Blanc).
C’est donc “au nom de la République !” (et de ses “valeurs” tant vantées !) que seront massacrés les républicains authentiques, les quarantuitards socialistes-démocrates !
N’oublions jamais !
Spartacus – ERM-TNP, Juin 2018 (modifié le 7 juillet)
contact@parti-masculin.org
Destinataires : quelques courriers (assos, écoles, partis, presse) + 3000 e-mails.
Le 25 février 1848, à Paris, le peuple se présente en masse devant l'Hôtel de Ville, où siège le Gouvernement provisoire, pour réclamer le remplacement du drapeau tricolore par le drapeau rouge comme symbole du caractère social de la nouvelle révolution. Il faudra les talents d'orateur du “poète” Lamartine pour repousser provisoirement le drapeau rouge... puis ceux du boucher Cavaignac (appelé à la rescousse par Lamartine !), lors du carnage de juin, pour mâter sévèrement le mouvement populaire pour la république sociale.
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À lire sur le même sujet :
- Sur les causes du Tournant (Civilisation -> Barbarie) de 1835 : L’ÉQUIVOQUE de 1789, Freddy Malot - octobre 2016 (2 pages).
- Et aussi : 1835 : LE tournant !!, ERM - 2014 (4 pages).
- Sur le Massacre des “Rouges” par les “Noirs” en 1839-1848 : Révélation Réaliste - Acte I : Le Massacre des Innocents, Freddy Malot - avril 2003 (157 pages).
- Sur le mouvement Utopiste consécutif à la Révolution française : Les Utopismes, Freddy Malot - janvier 2000 (25 pages).
- Et aussi : De l’Utopisme Intégral au Comm-Anar, Freddy Malot – février 2007 (3 pages).
Photographie des barricades de la rue Saint Maur,
au matin du 26 juin 1848.
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« Journées de Juin » 1848 :
Saint-Barthélemy Intégrale7
L’instauration, sur les ruines de la Civilisation, de la
Terreur Blanche Institutionnelle Permanente
décrite par les résistants contemporains :
(Extraits sélectionnés par le TNP – 22 novembre 2016)
En 1849, exilé à Londres, cet apôtre du Socialisme Démocratique, illustre auteur de L’Organisation du Travail (1839), répond aux calomnies du « Parti de l’Ordre » :
Ferai-je l’énumération des attaques qui m’assaillirent pendant la durée du gouvernement provisoire ? On imprimait dans les journaux impurs ; on allait répétant dans les salons :
« Il ameute les clubs » ; et jamais je n’avais mis les pieds dans un club ; « Il prêche la haine entre les classes », et mon système était celui de la fraternité humaine ; « Il est au fond des complots de Blanqui », [etc.]
Mais de quel droit me serais-je plaint ? Contre un ennemi de la société, est-ce que toutes les armes ne sont pas bonnes ? Ennemis de la société ! c’est ainsi que, toujours, les ouvriers du progrès ont été nommés par les défenseurs d’un ordre social corrompu.
Tacite rapporte que, sous Néron, l’on accusa dérisoirement de l’incendie de Rome, « des malheureux abhorrés pour leurs infamies, et qu’on appelait vulgairement chrétiens ». En conséquence, les uns furent enveloppés de peaux de bêtes et on les donna à manger aux chiens ; les autres, le corps enduit de résine et transformés en flambeaux, servirent pendant la nuit à éclairer les passants. Or, c’était comme ennemis de la société qu’on les frappait, et non comme incendiaires.
C’étaient aussi des ennemis mortels de la société, ceux qui, en 89, portèrent la main sur le régime féodal, dans la nuit du 4 août [...].
Appeler LA SOCIÉTÉ l’espèce particulière de société dont ils profitent, voilà l’éternel sophisme des oppresseurs de tous les temps.
Il s’est donc trouvé que nous étions les ennemis de la société, en demandant l’association des forces, la solidarité des intérêts, l’union des cœurs, le libre développement des facultés de chacun par l’éducation commune et gratuite, l’usage pour tous des instruments du travail et une plus équitable répartition de ses fruits.
Et quels étaient, contre nous, les représentants de la société véritable, de la société par excellence ? Ceux qui veulent le maintien du déplorable régime où les places au banquet de la vie sont d’avance marquées par le doigt inexorable du hasard ; où le bonheur est une curée qu’on se dispute dans les ténèbres ; où l’on vante, sous le nom de concurrence, l’émulation frémissante qui est à l’usage des oiseaux de proie ; où l’on a fait un privilège de la propriété, c’est-à-dire du droit à la vie, et un privilège de la famille, c’est-à-dire de la sainteté des affections domestiques ; où l’on ose décorer du nom de citoyens libres les infortunés qui ont la misère pour tyran ; où les tissus précieux sont fabriqués par des hommes demi-nus, les palais bâtis par des hommes sans asile, et les heureux nourris par des hommes sans pain.
Non, jamais, jamais on ne pourra croire qu’un tel renversement des idées, qu’un tel abus des mots aient été possibles, quand le monde sera parvenu à l’âge de raison. Mais qu’elle est longue, grand Dieu ! l’enfance des peuples !
Qu’il soit bien entendu, au reste, que je ne descends pas à me disculper : j’accuse.
C’en est assez. Et maintenant, que ceux qui ont cru tuer et flétrir la cause du Peuple dans la personne de ses serviteurs, que ceux-là sachent bien jusqu’où va leur puérile démence. Nous pouvons vous crier, faux modérés8 de notre époque : Vous avez imité l’art de ces animaux terribles qui prennent la voix des enfants pour dévorer les hommes.
Mais à cela le bénéfice est moindre que le péril. Car enfin, nous tous, démocrates socialistes qui avons décrété ou glorifié l’abolition de la peine de mort, mis le bourreau au ban de la civilisation, calmé la victoire avant la fin du combat, confié l’avenir à la clémence, s’il nous arrivait quelque jour d’avoir à demander de nouveau respect pour ces doctrines sacrées, qu’aurions-nous à répondre à qui nous dirait :
« Vous avez la mémoire bien courte, messieurs ! Voyons, qu’on nous montre ce que la magnanimité de la Révolution lui a valu. Les ennemis de la République auraient-ils retrouvé tant de force et déployé tant d’audace, si, comme Hercule enfant, la République avait étouffé les serpents qu’elle eut l’imprudence de laisser dans son berceau ? Souvenez-vous des conseils de guerre institués, de vos concitoyens déportés sans jugement, des bagnes et des pontons remplis, de quatre représentants du Peuple traînés à Bourges dans des voitures cellulaires, destinées aux voleurs et aux assassins ! La clémence a donné à la Révolution de février deux mois de vie : comptez combien la nouvelle terreur blanche en vint donner à la contre-révolution. Et souvenez-vous ! »
Oh ! fasse le ciel, et c’est notre vœu le plus cher, que ce redoutable argument jamais ne l’emporte ! Mais, rien que pour l’avoir fait possible et spécieux, le nom des hommes qui aujourd’hui gouvernent restera maudit dans l’histoire.
Ils ont rendu la générosité suspecte de folie ; de leurs violences couronnées de succès ils ont composé un sophisme plein de sang à l’usage des terroristes futurs ; ils auraient donné au Peuple, si cela était possible, le remords de sa modération. Voilà leur crime.
Londres, 1849, Appel aux honnêtes gens
Si vous ne voulez pas sortir de l’ancienne économie politique, si vous voulez anéantir toutes les promesses [de Février : le Droit AU Travail !], vous exposez la civilisation à mourir d’une agonie terrible.
À la tribune de l’Assemblée, le 15 juin 1848
La révolution ne fut pas vaincue à Vienne, à Berlin, elle fut vaincue à Paris ; elle ne fut vaincue ni par l’Angleterre, ni par la Russie, ni par les émigrés, ni par les Bourbons, mais par les républicains au nom de l’ordre, de cet ordre qui finit par l’élection de Louis-Napoléon, par la prise de Rome, par l’état de siège, par l’anéantissement de toutes les libertés et de tous les droits. Eh bien vive l’ordre ! Le sang de juin sera un nouveau chrême pour tous les rois, pour toutes les puissances !…
Après la mitraillade des rues de Paris, depuis la trahison contre les insurgés de juin, après les fusillades en gros, les déportations sans jugement, non-seulement l’ère glorieuse de l’ordre commence, mais encore tout le caractère de l’agonie de la vieille Europe commence à se préciser. Elle mourra par l’esclavage, le statu quo, par la maladie byzantine… elle aurait du mourir par la liberté, mais elle s’est montrée indigne de cette mort.
Nice, 10 juillet 1850, Lettres de France et d’Italie – 1847-1852
Il faut s’arrêter dans la funeste voie de la Réaction, même revenir sur ses pas, accepter franchement la Révolution et la République démocratique et sociale, et commencer par une AMNISTIE générale et sans exception.
Il faut… Mais c’est un rêve nous crie-t-on !… La Réaction n’y consentira jamais !… Elle ne peut supporter ni Égalité, ni Fraternité !… Elle veut marcher en avant, consommer la contre-révolution, brider, bâillonner, garrotter le Peuple bien plus qu’auparavant et perpétuer pour lui l’état de siège, préférant le despotisme et les Cosaques à la Démocratie !…
Eh bien alors, nous avons l’âme navrée, déchirée, désespérée… Nous n’apercevons dans l’avenir que divisions, haines, désirs de vengeance, ruines, guerres, invasions peut-être, insurrections et révolutions… Quel hiver pour le pauvre prolétaire… ! Oui, nous marchons à une dissolution de la Société, à un cataclysme social…
Paris, le 25 octobre 1848, L’Insurrection du 23 juin 1848
Félicité de Lamennais, le dernier vrai Pape
Après toutes les sauvageries de la “répression”, après les massacres de prisonniers auxquels on avait promis de faire grâce s’ils se rendaient, il restait une dernière mesure à prendre pour que la bourgeoisie fût tranquille : bâillonner la presse. Le rétablissement du cautionnement condamna à disparaître toutes les feuilles qui ne soutenaient pas les puissances d’argent ; celle de Lamennais parut donc pour la dernière fois le 11 juillet 1848, encadrée de noir. Voici le chant funèbre du Peuple Constituant :
Le Peuple Constituant a commencé avec la République [en février 1848], il finit avec la République, car ce que nous voyons, ce n’est pas la République, ce n’est même rien qui ait un nom. Paris en état de siège, livré au pouvoir militaire livré lui-même à une faction qui en fait son instrument ; les cachots et les forts de Louis-Philippe encombrés de 14 000 prisonniers, à la suite d’une affreuse boucherie organisée par des conspirateurs dynastiques devenus le lendemain tout-puissants ; des transportations sans jugement, des proscriptions telles que 93 n’en fournit pas d’exemple ; des lois attentatoires au droit de réunion détruit de fait ; l’esclavage et la ruine de la presse par l’application monstrueuse de la législation monarchique remise en vigueur ; la garde nationale désarmée en partie ; le peuple décimé, et refoulé dans sa misère, plus profonde qu’elle ne le fut jamais, non encore une fois, ce n’est pas la République, mais autour de sa tombe sanglante, les saturnales de la réaction...
Quant à nous, soldats de la presse, dévoués à la défense des libertés de la patrie, on nous traite comme le peuple, on nous désarme. Depuis quelques temps, notre feuille, enlevée des mains des porteurs, était déchirée, brûlée sur la voie publique. Un de nos vendeurs a même été emprisonné à Rouen et le journal saisi sans autre formalités. L’intention était claire : on voulait à tout prix nous réduire au silence. On y a réussi par le cautionnement. Il faut aujourd’hui de l’or, pour jouir du droit de parler. Nous ne sommes pas assez riches. Silence aux pauvres.
Extrait de Lamennais ou l’occasion manquée
de Louis de Villefosse – 1945
La rue Saint Antoine, lors des journées de juin.
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Enfin, pour donner du cœur à l’ouvrage aux soldats de la civilisation et de Dieu, rien ne fut d’un usage plus efficace que le récit des “atrocités” mises au compte des ouvriers en armes. Ces abominations ne sont pas faites pour surprendre un homme, par exemple, comme le marquis de Normanby, lequel écrivait, le 24 : “Le faubourg Saint-Marceau est au pouvoir de ses habitants, gens de la pire espèce.” Nous avons déjà vu Marrast et Sénard insister sur l’article “pillage”, premier point, comme on sait, du programme des insurgés, et l’on n’aura pas oublié l’adjonction faite au Moniteur, le 16 mai, afin d’éclairer la province sur les “deux heures de pillage” réclamées par les amis de Barbès. Cette fois-ci de même, la police de Recurt poussera le zèle jusqu’à produire – au sens le plus concret du mot – des pièces à conviction décisives : on avait trouvé, on exhibait parmi les trophées conquis sur certaines barricades, des drapeaux portant cette devise : “Vainqueurs, le pillage ; vaincus, l’incendie !” On ne le leur faisait pas dire ! Des “bêtes féroces”, criait La Revue des Deux Mondes, des “bêtes féroces professant comme religion le pillage, le viol et l’incendie !”
Insurgés parisiens en juin 1848.
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À la vérité, on éprouvait de l’embarras sur cette question, précisément, du bien d’autrui. On écoutait mal Victor Hugo rapportant que son domicile, place des Vosges, avait été envahi par des émeutiers qui tiraient par les fenêtres mais n’avaient touché à rien dans l’appartement. Et Mérimée, qui a fait le coup de feu sur les rouges “avec tout ce qu’il y a d’honnêtes gens à Paris”, et qui déclare à Mme de Montijo : pour les ouvriers, “il s’agissait de piller la ville”, baisse la voix pour lui confier, à la fin : “nous sommes entrés dans les maisons de la rue Saint-Antoine d’où les insurgés venaient d’être délogés ; les habitants nous ont dit qu’on ne leur avait rien pris9 ; sur les boutiques, on voyait écrit à la main par les insurgés : Mort aux voleurs !” Le Correspondant reconnaîtra en passant que l’insurrection “a oublié les églises et n’a point insulté la religion” (il notera même que “pas un” des ouvriers mourant n’a refusé les derniers sacrements), mais ces brèves remarques sont postérieures à la victoire. Pendant l’action, les journaux raisonnables, lus par ce que Mérimée appelle “toute la saine population”, La Patrie, Le Siècle, L’Assemblée nationale et particulièrement Le Constitutionnel du célèbre M. Véron, ont été au-dessus de tout éloge dans leur campagne d’informations : les amis de l’ordre apprenaient par eux que les insurgés crevaient les yeux des prisonniers et leur arrachaient la langue ; que des cantinières, vendues à l’ennemi, offraient aux gardes nationaux de l’eau-de-vie empoisonnée ; que les rouges traînaient les petites filles des pensionnats dans les rues pour les aligner devant les barricades et mitrailler ainsi la troupe à l’abri de cet innocent rempart ; que les ouvriers transformaient en lampions les crânes des soldats qu’ils avaient tués ; que certains raffinés se faisaient des flambeaux avec des gardes nationaux enduits de résine, et que les femelles du prolétariat avaient pour divertissement de scier vivants entre deux planches les malheureux qui tombaient entre leurs mains. Le Lampion eut cette trouvaille : “On a découvert sur le cadavre d’un socialiste le billet démocratique que voici : Bon pour trois dames du faubourg Saint-Germain.” M. de Castellane pendant le combat (dans la journée du 25) prend note des détails qui viennent de lui parvenir : “on a trouvé [dans une rue reconquise] une pompe pleine de vitriol” ; “on a coupé les poignets à un jeune garde mobile et on les lui a mis dans ses poches en lui disant de les porter à ses parents” ; “sur plusieurs drapeaux” enlevés aux insurgés, se lit l’inscription suivante : “Pillage”, ou “Viol” ; Mérimée a “vu” un homme “qui avait les bras rougis jusqu’aux coudes pour s’être lavé les mains dans le ventre ouvert d’un mobile blessé” ; Mérimée a vu l’homme ; le crime, non ; mais on le lui a raconté, comme on lui a fourni cette autre notation pittoresque au sujet des travailleurs : “sur leurs barricades, à côté du drapeau rouge, on voyait des têtes et des bras coupés” ; et le vicomte d’Arlincourt, en août, dans sa tonnante brochure Dieu le veut ! rappellera aux gens de bien les hauts faits des “sauvages héros de la République rouge” : “des hommes ont été mutilés, sciés, crucifiés, jetés dans les fournaises ; des yeux ont été crevés, des langues coupées, des cœurs arrachés !”
L’enquête sur les événements de juin (Commission Barrot-Bauchart) connaîtra d’irritants déboires lorsqu’elle voudra tenter d’apporter sur ce point les précisions indispensables : localisation, noms des victimes, noms des coupables10.
Insurgés faits prisonniers lors des journées de juin 1848.
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Le 26 juin, M. de Falloux écrit à Albert de Rességuier : “On ne peut se figurer la rage de ces cannibales : l’archevêque a été leur porter des paroles de paix et a reçu une décharge presque à bout portant.” Une affirmation de M. de Falloux a, de soi, les plus grandes chances d’être le contraire de la vérité. C’est le cas, en effet. À l’entrée du faubourg Saint-Antoine, du côté de la place de la Bastille, l’archevêque s’était présenté, levant la main (“Mes amis ! Mes amis !”) face à l’énorme barricade qui se dressait là. Les ouvriers avaient suspendu le feu. Des hommes de la mobile se glissent derrière Mgr Affre, profitant de la circonstance pour choisir de meilleures positions de tir. Des coups de feu éclatent soudain. L’archevêque tombe, une balle dans les reins, une balle, donc, tirée par la troupe mais qui s’était “trompée d’adresse”. Les insurgés se précipitent, le soulèvent dans leurs bras, le transportent, bouleversés, au presbytère voisin. L’abbé Jacquemet, vicaire général, qui accompagnait le prélat, rédige aussitôt une déclaration ainsi conçue : “Paris, 26 juin. Je soussigné, vicaire général de l’Archevêque de Paris [...] atteste, autant qu’il a été possible d’en juger au milieu d’une grande confusion, que l’archevêque n’a pas été frappé par ceux qui défendaient les barricades.” Ce jour même, à l’Assemblée, Mgr Parisis voudra donner lecture de ce billet ; de violentes interruptions lui couperont la parole : “Assez ! Assez ! Restons-en là ! Le fait est connu !” Et comme le représentant Beslay s’efforce de soutenir Parisis en disant : “On a tiré de deux côtés… Je crois que c’est de notre côté qu’est venue la balle…”, les cris redoublent : “Assez ! Assez !” Le Moniteur du 29 insérera une note brève déclarant que “tout porte à croire” que le trépas de l’archevêque fut “purement accidentel” ; ce qui n’empêchera point Le Correspondant d’affirmer le surlendemain : les insurgés ont tué l’archevêque ; “le génie de l’enfer n’a pu contenir sa rage, et une décharge meurtrière a mis fin au sermon de ce prêtre11”. En août, le vicomte d’Arlincourt répètera, avec le sombre acharnement de la haine : l’archevêque de Paris a été “assassiné” après avoir béni “l’arbre de la liberté planté par ses bourreaux”.
Extraits de La Première résurrection de la République (p. 436-443),
d’Henri Guillemin – 1967
Femmes d'insurgés devant les prisons.
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1 Société de Mort ? = B.I.D. (Barbarie Intégrale Dominante). 1835 ? Lois « scélérates » de Septembre 1835 en France, et Poor-Law « infernale » de 1834 en Angleterre.
2 Les “Journées de Juin” se sont : 12 000 morts au bas mot (combats et exécutions sommaires), des milliers de déportés sans jugement, l’État de Siège, l’interdiction des clubs et journaux, et pour finir, la chasse aux “Rouges” rescapés. En Angleterre, on avait procédé dès 1839 à l’écrasement des Chartists.
3 Au sens d’une suite révolutionnaire de la Ière République “bourgeoise”, haïe par-dessus tout par la Caste dominante pour qui la seule période positive de la Grande Révolution est celle qui va de Thermidor au 18 Brumaire, bref : la contre-révolution !
4 Nous sommes donc aujourd’hui dans la 4ème et non dans la 5ème “République”. Mélenchon a tout faux !
5 24 juin : pleins pouvoirs à Cavaignac ; 10 décembre : “élection” du “prince-président” Louis-Napoléon Bonaparte.
6 Extraits libres de La Première résurrection de la République.
7 Celle de 1572 ne fut qu’anti-Moderne ! Au cri de « Il faut en finir ! », celle de 1848 fut anti-Civilisation… et au-delà, anti-Préhistoire Vivante dans son ensemble ! Bref… Société de Mort ! (note du TNP = Tout Nouveau Peuple)
8 « Nous sommes les modérés ! » ont osé dire ceux qui allaient remuant d’une main violente les cendres de la guerre civile.
Ainsi, les promoteurs des conseils de guerre ? modérés ;
Les instigateurs de la déportation en masse ? modérés ;
Les approbateurs en délire des condamnations sans jugement ? modérés ;
Les inventeurs du bagne politique ? modérés, modérés, modérés !
Ah ! ce mot si noble et si beau, ils en auront fait le scandale de l’histoire.
9 Cette attitude universelle des insurgés gênait beaucoup La Revue des Deux Mondes, qui s’en tire comme suit : l’insurrection “écrivait Mort aux voleurs sur les boutiques, mais, après la victoire, elle aurait organisé la spoliation en grand”(La Revue des Deux Mondes du 1er juillet 1848).
10 Le 29 juin, le Chargé d’affaires d’Angleterre, vaguement sceptique, a demandé personnellement à Bastide “si l’on s’était assuré de ce qu’il y avait de vrai dans les récits des cruautés que l’on prétendait avoir été commises par les insurgés” ; et Bastide lui a répondu qu’il “avait le regret de penser qu’il n’y avait pas eu d’exagération sur ce point” (Normanby, Une année de révolution, II, 142).
11 Dans son numéro du 16 juillet, Le Correspondant, sans faire allusion à sa calomnie précédente, se bornera à relater les faits tels qu’ils s’étaient réellement déroulés.
Nous vous rappelons que nous vivons en pays occupé :
"Les murs ont des oreilles...".